Il a plu dans les cœurs mais pas sur ton beffroi,
L'orange des flammes vitrifiait les regards
Que traversaient les alarmes de notre effroi.
Trépignant sur les pavés on voyait, hagard,
Partir en fumée une page de l'histoire
Où s'écrivait la forêt formant ta charpente.
Ses robustes chênes réduits en cendres noires
Lâchaient leur colère en volutes ardentes,
Traçant par ce bel Avril, au ciel de Paris,
Les sourds reproches des bâtisseurs du passé.
Pendant tous ces siècles nous avions juste appris
A t'admirer, sans penser à te protéger.
Cathédrale bâtie au cœur de la capitale,
Monument religieux devenu national,
Édifice du peuple, reflet de son âme,
Tes murs silencieux dévorés par les flammes
Noircirent les cœurs abasourdis de la foule.
Intense, il en montait un hurlement muet,
Que portait loin la volonté de te sauver.
Las, avant que les pompiers enfin ne déroulent
Les tuyaux suffisants pour arroser ton chœur,
Un feu violent lançait au ciel ses stries oranges,
Portant les rires de tes diables de malheur,
Pulvérisant, vengeurs, les statues de tes anges.
Priant, rageant, baissant les yeux au bord des larmes,
Le peuple pensait déjà à te rebâtir
Pour effacer un jour la honte de ce drame,
En te rendant plus belle qu'en leurs souvenirs.
Athées ou croyants, pauvres ou riches, mécènes,
Tous offrirent leur don pour que tu redeviennes
Notre Dame aux fières voûtes, aux divins vitraux.
Renaissant comme un phénix, le coq de ta flèche
Dominera la Cité, Paris à nouveau.
Tes cloches et tes orgues joueront de mèche,
Au ciel bleu, leurs plus beaux et solennels morceaux
Qui enivraient jadis Violet et Hugo.
Mai 2019